" La philosophie n'est qu'une chimère, c'est le cri des esprits positifs, et, tant qu'elle subsistera, c'est-à-dire tant qu'on agitera l'éternel problème de la destinée humaine, il y aura des esprits positifs pour prendre la philosophie en pitié et nier sans relâche et sans pudeur le droit au profit du fait. Que gagnent-ils à s'obstiner ainsi dans les préjugés de l'éducation et la religion des faits établis ? Rien que d'être conduits par un fil invisible à leurs propres yeux et d'accepter en aveugles ce que d'autres ont conquis en philosophes. Chimères si l'on veut, ces chimères philosophiques mènent le monde. De ce nuage où la science s'enveloppe, elle fait incessamment sortir quelquesunes de ces idées fécondes qui s'infiltrent dans la littérature, dans les moeurs, dans l'éducation, pénètrent peu à peu jusqu'aux derniers rangs de la société, finissent par devenir un patrimoine commun de tous les esprits, et donnent à la civilisation d'une époque le caractère auquel l'histoire la reconnaît.