Si la contribution de Karl R. Popper à l'épistémologie est largement reconnue, sa position sur la politique et l'histoire en apparaît souvent comme le complément polémique, plus ou moins extérieur à son projet central. C'est la cohérence, à la fois problématique et nécessaire, entre ces deux dimensions, que cet ouvrage s'emploie à reconstruire de façon claire et précise. Cela suppose de prendre au sérieux le cheminement de "Misère de l'historicisme", véritable moule des thèses politiques poppériennes frayant la voie à "La Société ouverte et ses ennemis". De l'examen minutieux des arguments que Popper oppose au darwinisme, au platonisme et au marxisme et des diverses critiques qu'ils ont suscitées, se dégagent les exigences d'interprétation des sciences sociales. Par là même se trouve réactualisé et réévalué le débat inauguré par la célèbre "Querelle du positivisme" (1957-1968) à laquelle Popper fut intimement mêlé. Cette synthèse jette un pont, par la philosophie de l'histoire, entre les deux volets de la pensée poppérienne, mais aussi entre les deux courants majeurs de sa réception, anglo-saxonne et germanique, au croisement du double héritage, de la philosophie analytique et de l'idéalisme allemand – jusqu'à la confrontation avec la Théorie critique de l'École de Francfort. Véritable réintroduction à la pensée poppérienne en son unité, cette enquête jette une lumière nouvelle sur un lieu stratégique de la philosophie d'aujourd'hui – point de rencontre, au cœur de la crise de l'histoire, entre le savant et le politique.
Jacques G. Ruelland, Ph.D., historien des sciences, ancien professeur de philosophie, enseigne l'histoire à l'Université de Montréal. Il a publié près de quarante ouvrages de philosophie, d'histoire et de littérature.