Du XVIe siècle à la Révolution industrielle, la proto-industrie textile a joué un rôle considérable dans l'histoire économique de la Bretagne. Toutefois, parce que la plupart des historiens anciens se sont généralement intéressés à son déclin au XIXe siècle, elle a souvent été considérée comme une activité rurale sans grand relief. Des recherches récentes ont modifié profondément cette perspective puisqu'elles ont intégré le développement toilier breton à une mondialisation des échanges, laquelle s'est affirmée à la suite des grandes découvertes. En effet, la graine du lin qui était semée sur les rivages de la Manche venait des rivages de la Baltique et les tissus armoricains étaient majoritairement exportés vers l'Amérique latine. Les conséquences d'une telle activité expliquent aussi bien les fortes densités humaines dans les zones linicoles que dans celles qui s'adonnaient au tissage, tout autant que la multiplication des métiers associés à la transformation du lin en toile blanche et à son expédition vers les ports exportateurs. Le travail du chanvre et son tissage ont, eux aussi, connu un développement intéressant, même si celui-ci n'a pas atteint les sommets où culminait le lin. C'est qu'en dehors d'un produit destiné aux consommateurs régionaux et nationaux, les négociants bretons, après avoir été rejetés de certains marchés extérieurs, ont réussi à s'intégrer au flux commercial que drainaient l'Espagne et ses colonies. À la fin du XVIIIe siècle, on a aussi vu apparaître une industrie cotonnière à Nantes ; mais le développement des indiennes qui semblait prendre un essor certain a subi tous les aléas d'une cité assiégée par les campagnes environnantes. Après 1830, la disparition de la toilerie bretonne conduit à s'interroger sur l'impossible passage d'une proto-industrie à. une industrie moderne et sur les conséquences humaines qui en ont résulté.