Amiante, vache folle, sang contaminé, OGM : le risque écologique et sanitaire est au cœur de nouvelles mésententes entre les citoyens et les institutions. Il n'en finit pas de compliquer l'exercice de l'action publique, de conforter la judiciarisation de la société tout en fragilisant la paix sociale et la pérennité des activités économiques. De là l'idée, souvent déplorée, d'une aversion croissante des individus pour le risque, qui serait devenu purement et simplement inacceptable.
Et s'il fallait plutôt voir là l'expression d'une légitime exigence, la définition d'un mode efficace et responsable de gouvernement ? Alors que le XXe siècle s'organisait autour d'un contrat stipulant que le risque serait acceptable à la condition qu'il soit indemnisable, notre époque paraît ne plus se satisfaire de cette fragile transaction. Il convient désormais de remodeler les institutions, de concevoir les mécanismes de prévention et de précaution, de préciser les procédures et les critères au regard desquels un risque, qui s'avérera peut-être plus tard intolérable, mérite aujourd'hui d'être couru. En somme, il s'agit de définir les conditions auxquelles la gestion publique des risques est acceptable.
C'est dire si l'exercice appelle une réflexion du droit sur lui-même, sa fonction, ses techniques. Il invite à concevoir des solutions pragmatiques, qui soient compatibles avec nos engagements supranationaux (issus du droit de l'Union européenne et de l'OMC). Il conduit à redéfinir sans angélisme la part revenant à chacun - individus, entreprises, autorités publiques - dans l'exercice de la décision comme dans l'attribution des responsabilités.
A travers la question du gouvernement des risques, c'est en définitive la légitimité même de l'action de l'autorité publique qui est en jeu.
Christine Noiville, docteur en droit, est chargée de recherche au CNRS, UMR 8056 / Université de Paris I - Panthéon- Sorbonne, Centre de recherche en droit des sciences et techniques.