C'est le 6 janvier 1917 que je débarquai, pour la première fois, à Kiev. En toute autre circonstance, j'aurais admiré la capitale de l'Ukraine, avec ses rues larges et droites, ses hautes maisons aux toits rouges et verts, ses multiples églises aux dômes dorés, sa cathédrale Saint-André qui s'embrase sous les baisers du soleil, sa double croix de Saint-Vladimir qui s'illumine le soir, son vieux quartier qui s'étage en gradins, son fleuve majestueux qui roule, à la belle saison, ses eaux jaunes et profondes sur lesquelles se jouent, mouettes vivantes, une multitude de voiles blanches. Mais, parti précipitamment de Bucarest, avec ma famille, cinquante jours auparavant, quelques heures à peine avant l'occupation de la capitale roumaine par les troupes austro-allemandes, je venais d'accomplir un voyage, véritable odyssée, qui avait absorbé le plus clair de mes économies et j'arrivais dans une ville dont j'ignorais tout, surtout la langue et où je ne connaissais âme qui vive : Kiev.