" Mon effort a tendu à dégager, à travers la gangue des modes qui suscitent tellement d'emballements pour des hommes ou des idéologies dont on se détourne aussi vite qu'on y a adhéré, quelques principes avec lesquels on ne transige pas. Pour y parvenir, j'ai tenté d'y voir plus clair. La comédie qui, trop souvent, se joue sur le théâtre de la vie publique, doit céder la place à l'authenticité. Le courage de dire ce qu'on croit vrai ne nourrit pas un plaisir amer et destructeur, mais suscite des convictions fortes : ce ne sont pas de simples modes, elles ne passeront pas comme elles. Depuis des millénaires, on parle de liberté et de justice. On en parlera toujours, malgré les déceptions et les reculs. Demeurons stables dans nos croyances, ne tentons pas d'être à la mode. Ne perdons pas l'espoir : nos concitoyens se lassent du clinquant, du versatile, du superficiel ; convainquons-les que, malgré les changements du monde auxquels ils doivent s'adapter, il est des valeurs permanentes auxquelles s'attacher. Dans notre pays comme déboussolé, nous vivons une période où les engouements de l'opinion changent tellement vite que chacun s'interroge, cherchant ses repères perdus. Le trouble étreint les esprits, et le doute : qui, croire, croire en quoi ? Si la politique a un sens et une dignité, il lui revient de répondre à ces questions. Réponses provisoires, car nul ne peut prévoir ce que seront les aspirations de nos concitoyens et les besoins de notre pays dans dix ans ? Réponses indispensables, cependant. La politique n'est pas du domaine de l'éternel, elle ne peut pas prétendre y viser. Mais la modestie ne doit pas lui interdire l'ambition d'anticiper l'avenir, ni le courage de le bâtir. Faute de quoi, notre action n'aurait aucun sens, elle serait sans valeur. " Edouard Balladur