Seul l'être capable d'indépendance spirituelle est digne des grandes entreprises. Tel Napoléon qui n'hésita pas à ouvrir le feu sur une foule désarmée, Raskolnikov, qui admire le grand homme, se place au-dessus du commun des mortels. Les considérations théoriques qui le poussent à tuer une vieille usurière cohabitent en s'opposant dans l'esprit du héros et constituent l'essence même du roman. Pour Raskolnikov, le crime qu'il va commettre n'est que justice envers les hommes en général et les pauvres qui se sont fait abusés en particulier. "Nous acceptons d'être criminels pour que la terre se couvre enfin d'innocents", écrira Albert Camus. Mais cet idéal d'humanité s'accorde mal avec la conscience de supériorité qui anime le héros, en qualité de "surhomme", il se situe au-delà du bien et du mal. Fomenté avec un sang-froid mêlé de mysticisme, le meurtre tourne pourtant à l'échec. Le maigre butin ne peut satisfaire son idéal de justice, tandis que le crime loin de l'élever de la masse, l'abaisse parmi les hommes. Raskolnikov finira par se rendre et accepter la condamnation, par-là même, il accédera à la purification. Crime et Châtiment est le roman de la déchéance humaine, l'oeuvre essentielle du maître de la littérature russe.