Le corps abîmé, ou le corps mis en abîme, est un corps difficile à reconnaître pour sien, une chair altérée qui mène à une existence diminuée. L’humain n’a pas d’autre horizon que son corps. Un corps abîmé touche l’ensemble des dimensions de l’existence. L’altération est ponctuelle ou durable, voire définitive. Elle est donnée à la naissance ou le fait de la maladie ou d’un accident. Elle est tolérable ou destructrice selon les circonstances. Parler de "corps abîmés" amène à souligner cette dualité constante sur laquelle se construisent la normalité et l’exception corporelle. C’est aussi mettre en valeur le moment de contraction du corps, et donc de la présence au monde, provoquée par des amputations, des maladies, des états de paralysie ou de handicap moteur sévère, des violences physiques ou par des violences physiquement ressenties, tels les rapports entre les genres, les expériences d’attaques au corps propre ou les épreuves sportives, ou encore le mal de vivre adolescent. Cette contraction qui abîme le corps a une valeur à la fois positive et négative, elle est norme et contre-norme, elle est moment destructeur et moment créateur en même temps. Cet ouvrage se propose de décliner ces différentes formes de la relation au corps abîmé avec des contributions de disciplines différentes et dans un contexte international.
Denisa Butnaru est assistante de recherche à l’université d’Augsburg (Allemagne) et Docteure en sociologie. David Le Breton est professeur de sociologie à l’université de Strasbourg.