Qu'il soit ignorant ou savant, chrétien ou athée, artiste ou bourgeois, ce n'est pas de sang-froid que l'étranger approche de la Ville Eternelle. L'ignorant s'attendrit à l'idée du pape captif qui gémit sur la paille d'un cachot ; le savant fouille la campagne romaine ; l'artiste rêve des stanze de Raphaël ; le bourgeois qui a usé quelques fonds de culotte sur les bancs du collége pense au fameux S. P. Q. R. Qu'on monte en wagon à Pise, à Ancône ou à Florence pour venir à Rome, et l'on aura des chances pour voir ces divers sentiments se traduire sur la physionomie des compagnons de voyage que le hasard vous a donnés. L'aube blanchit les lointains, et déjà de chaque côté de la voie les arbres, les buissons et les broussailles émergent de l'ombre avec des formes distinctes. Quelques voyageurs s'éveillent, et ceux qui occupent les coins du wagon écrasent le bout de leur nez contre les glaces, après avoir essuyé la buée qui les recouvre au moyen du petit rideau de laine bleue.