L'usage de la notion d'incertitude marque un contraste avec le discours dominant des années 1950 à 1970, où prévalaient les notions de prévisions et de planifications. et il souligne aussi les limites rencontrées du recours à la notion de risque. Aujourd'hui, managers et décideurs publics n'auraient plus d'autre choix que de « naviguer à vue » tant il serait devenu difficile de prévoir et de calculer à cause d'une complexité accrue du monde. La question de l'incertitude serait ainsi devenue constitutive de la société contemporaine, ce qui nous imposerait de transformer notre manière de penser le monde. Cet ouvrage se propose de considérer l'incertitude non comme un donné, mais comme une construction. Elle résulterait notamment de l'action de certains acteurs qui créent de l'incertitude, remettent en cause les certitudes établies, ouvrent des espaces d'incertitude, en font donc une ressource, ou, au contraire, confrontés à une situation, réduisent ces incertitudes, les canalisent, les nient. Le projet de cet ouvrage consiste à s'approcher des situations concrètes, où des acteurs sont confrontés à l'ouverture et à la fermeture d'incertitudes, à leur récupération ou à leur distribution sur différents acteurs. Les terrains étudiés touchent à la santé (grippe aviaire, toxicologie en milieu professionnel, veille sanitaire de la population), à la coexistence d'êtres qui se heurtent (suivi des loups et des marmot-tes en situation de cohabitation avec des bergers et des agriculteurs, développement des nanotechnologies en présence d'opposants) à la mise en place de structures de travail en matière de recherche et développement industriel et au basculement d'un laboratoire des micro aux nanotechnologies.