Dans une région fortement marquée par la persistance des affrontements entre les " blancs " et les " bleus ", les droites bretonnes sont majoritairement l'expression d'un monde catholique farouchement attaché à préserver son identité face à un modèle républicain récusé. Solidement appuyées sur l'influence conjointe du clergé et de l'aristocratie rurale, elles mènent des
combats qui se déroulent sur le plan électoral comme dans la défense d'une société traditionnelle consacrant le pouvoir des autorités " naturelles ". L'analyse minutieuse des ressorts et des modalités de cette entreprise souligne l'importance des engagements sur le terrain de l'école et du syndicalisme agricole et rappelle l'ampleur de
la mobilisation catholique contre le Cartel des gauches. Entre tentation du repli et tentative de reconquête, entre sentiment obsidional et investissement d'une certaine modernité, les crispations identitaires du catholicisme breton s'observent alors avec force. L'intensité des affrontements internes au sein des droites bretonnes entre conservateurs, longtemps soutenus par l'épiscopat, et démocrates-chrétiens derrière L'Ouest-Eclair attestent cependant la diversité des projets politiques proposés aux populations catholiques. Dans ces combats, les campagnes sont un enjeu majeur au moment où leur stabilité est remise en cause par les répercussions de la Grande Guerre puis par la crise économique. L'étude, à l'échelle d'une fraction cohérente de l'espace national, des dynamiques socio-politiques que révèlent le mouvement des " cultivateurs-cultivants " et l'action du leader paysan Dorgères, fait apparaître avec netteté la place croissante de la paysannerie dans la vie politique française.
David Bensoussan, agrégé, docteur en histoire, est professeur de chaire supérieure au lycée Chateaubriand et chargé de cours à l'IEP de Rennes. Ses travaux portent sur l'histoire politique du monde rural français.