L'univers, qui semble tout simple, d'une petite fille. Au centre, deux jolies figures de grand-mères. Le rythme des saisons, la nature, premières sources de plaisirs. Un monde savoureux de campagne et de petite ville française, valets de ferme et couturières en chambre, sabots et souliers du dimanche, vendanges, premières communions, bonnes soeurs maîtresses d'école, méchantes et trop belles. Au fil des jours, des escapades, de la guerre, la découverte toute naturelle de la sexualité, des livres. C'est une femme qui parle, qui dit " JE ", d'une voix dont on subit d'abord le charme, fait, dirait-on, d'un naturel sans détours, d'un ton aimable et sans apprêts. On pourrait, porté par l'allure assurée du récit, tenir pour rien certains trébuchements furtifs, quelques cassures de la voix, un ou deux écarts à la limite du désespoir, de la violence. On aurait tort. Si les romans, comme on le dit, sont des miroirs promenés le long d'un chemin, ce miroir-ci ressemble parfois à ces vitres de mauvais rêve derrière lesquelles quelqu'un, qu'on est sûr de bien voir, cogne pour qu'on lui ouvre, pour qu'on l'entende, pour qu'on le reconnaisse.