On connaît surtout John Donne, poète et théologien anglais du XVIIe siècle, par ses Sonnets religieux et érotiques. On sait moins qu'il fut aussi un extraordinaire connaisseur du droit canon et un très subtil casuiste. Œuvre secrète qu'il refusa de donner à l'imprimeur sans vouloir pour autant la détruire, le Biathanatos - ou " Déclaration de ce paradoxe, ou thèse, que l'homicide de soi-même n'est point si naturellement un péché que jamais il ne puisse en être autrement " - est au fond un faux journal intime en forme de vrai traité scolastique.
S'abandonnant à sa mélancolie naturelle, le jeune Donne restitue au Christ ce qui est au Christ et fait du suicide une invention chrétienne. Au Nietzsche assurant : " Il n'y a jamais eu qu'un seul chrétien, et il est mort sur la croix ", le jeune Donne, future sommité ecclésiastique de son temps, répond : " Il n'y a jamais eu qu'un seul suicide, et ce fut celui du Christ. "
Dans le prolongement des thèses d'Origène et de Pic de la Mirandole, cet incomparable ouvrage " baroque ", drôle et savant, encore jamais traduit en français, a fait en son temps les délices de Thomas de Quincey et de Borges.
Pierre-Emmanuel Dauzat, qui a assuré l'édition française de ce texte, a publié aux PUF, dans cette même collection, Le Suicide du Christ, 1998, et Le Nihilisme chrétien, 2001.