On aime se rappeler les temps anciens où l'on croyait encore aux apparitions. Elles auraient eu lieu, à quelques mètres près, toujours au même endroit, au bord du canal qui longe le village. Au canal, on y va comme d'autres iraient de l'autre côté du miroir, avec l'idée de se rapprocher des zones troubles de la vie. C'est là, aux lisières des forêts, à la surface des eaux, dans ces interstices où prennent racine les contes, que la fiction s'instaure. Dans ce roman de l'ombre qui fait de la lumière l'enjeu de toute chose, Marie-Laure Hurault fait de chaque scène un tableau. Tout au long de ce périple, les montages photographiques de Frédéric Khodja font plus qu'accompagner le récit : ils tissent un réseau de perspectives et de correspondances qui mettent l'espace à la jonction des regards. Récit de violences, récit de douceur, récit des limbes à mesure qu'on les sonde, Au canal est peut-être l'expression littéraire la plus proche d'un cinéma recomposé par l'écriture. Doublé d'une invitation à se perdre, et par là-même à se trouver.