A la tête du groupe Bruxelles-Lambert, l'éminence grise de la finance française pèse aujourd'hui plusieurs milliards de francs et siège dans les conseils d'administration des plus puissants groupes financiers d'Europe. Actionnaire de référence de Suez, il est aussi l'un des partenaires essentiels de Paribas. De l'audiovisuel (RTL c'est lui, M6 aussi) à la banque en passant par l'énergie (il a la haute main sur Petrofina), Albert Frère est devenu l'un des personnages clés de l'économie internationale. Rien pourtant ne prédestinait ce fils d'un modeste marchand de clous de Fontaine-l'Evêque, une bourgade située à quelques kilomètres de Charleroi, à un tel parcours. Sinon un formidable sens du commerce, le génie des affaires et du culot à revendre. Et Dieu sait s'il en fallait pour transformer l'entreprise familiale, dont la réputation ne dépassait pas dix kilomètres à la ronde, en l'une des plus formidables machines à gagner de l'argent de la sidérurgie européenne. Il en fallait, à un peu plus de 20 ans et avec une mise de départ ridicule, pour réussir à vendre des billettes et des ronds à béton à Montevideo, Pékin ou Sébastopol. Commerçant, industriel, financier, Albert Frère collectionne aujourd'hui les tableaux de maître et affectionne les grands crus classés. Sa vraie passion : tisser sa toile. Et il le fait avec une énergie qui surprend encore tous ceux _ amis ou ennemis _ qui ont travaillé avec lui. Habitué de Courchevel et de Saint-Tropez, vivant entre l'avenue Foch et Knokke-le-Zoute, mais toujours fidèle à sa gentilhommière de Gerpinnes, Albert Frère a aujourd'hui juré de conquérir Paris. José-Alain Fralon est journaliste au Monde, dont il a été le correspondant à Bruxelles.