Toute l'éloquence humaine dans toutes les assemblées de tous les peuples et de tous les temps peut se résumer en ceci : la querelle du droit contre la loi. Cette querelle, et c'est là tout le phénomène du progrès, tend de plus en plus à décroître. Le jour où elle cessera, la civilisation touchera à son apogée, la jonction sera faite entre ce qui doit être et ce qui est, la tribune politique se transformera en tribune scientifique ; fin des surprises, fin des calamités et des catastrophes ; on aura doublé le cap des tempêtes ; il n'y aura pour ainsi dire plus d'événements ; la société se développera majestueusement selon la nature ; la quantité d'éternité possible à la terre se mêlera aux faits humains et les apaisera. Plus de disputes, plus de fictions, plus de parasitismes ; ce sera le règne paisible de l'incontestable ; on ne fera plus les lois, on les constatera ; les lois seront des axiomes, on ne met pas aux voix deux et deux font quatre, le binôme de Newton ne dépend pas d'une majorité, il y a une géométrie sociale ; on sera gouverné par l'évidence ; le code sera honnête, direct, clair ; ce n'est pas pour rien qu'on appelle la vertu la droiture ; cette rigidité fait partie de la liberté ; elle n'exclut en rien l'inspiration, les souffles et les rayons sont rectilignes. L'humanité a deux pôles, le vrai et le beau ; elle sera régie, dans l'un par l'exact, dans l'autre par l'idéal. Grâce à l'instruction substituée à la guerre, le suffrage universel arrivera à ce degré de discernement qu'il saura choisir les esprits ; on aura pour parlement le concile permanent des intelligences ; l'institut sera le sénat. La Convention, en créant l'institut, avait la vision, confuse, mais profonde, de l'avenir.