« Livresque », selon le dictionnaire, est un adjectif péjoratif : il désigne « ce qui vient seulement des livres » et s'oppose à « concret », « pratique », « réel ». Mais pour Robert Lévesque, l'opposition ne tient pas, car rien n'est plus vivant ni plus vrai que l'univers des livres, même - et surtout - à notre époque où cet univers paraît plus fragile et menacé que jamais. « Vies livresques », cela veut dire : la vie des livres eux-mêmes, leur genèse, leurs aventures, leur beauté, mais surtout la vie des femmes et des hommes (comme lui) qui ont fait des livres l'unique objet de leur passion et le décor de toute leur existence.
La quinzaine de textes qui composent ce recueil racontent tous, à leur manière, ce que les livres peuvent faire d'une vie humaine qui leur est toute consacrée. On y croise des éditeurs, des écrivains, des liseurs, et même un représentant de commerce, tous gens de livres et de lecture ; mais la figure principale, l'incarnation par excellence de la « vie livresque », c'est le libraire. Car, si l'univers, pour Jorge Luis Borges, était une Bibliothèque infinie, pour Robert Lévesque c'est une Librairie, ou plutôt un vaste réseau de librairies petites et grandes (préférablement petites) dans lesquelles, de Montréal à Paris, de l'île Saint-Louis à New York, veillent, tels d'inébranlables gardiens de phares, autant de libraires.
Réels ou fictifs, ces êtres livresques se nomment Lehec, mademoiselle D'Anjou, Hervé Jodoin, Charlotte Delbo, Hyacinthe Danse, Anatole Broyard, Raymond Queneau, Jean Forton, Albert Béguin, Marcel Beauregard, Roland Benchimol.
Avec la verve et la vivacité qu'on lui connaît, Robert Lévesque met ici à profit son époustouflante culture de lecteur intempérant, friand de dates, de citations et d'anecdotes, pour nous entraîner à leur rencontre et parcourir avec eux le monde qui a été le leur, qui est maintenant le sien, et dont on ne sait pour combien de temps encore il sera le nôtre...