Le travail de sape dont le Liban a été l'objet, dès les années 1970, en prémices à la guerre qui l'aura ravagé pendant 17 ans, n'y a pas épargné... > Lire la suite
Le travail de sape dont le Liban a été l'objet, dès les années 1970, en prémices à la guerre qui l'aura ravagé pendant 17 ans, n'y a pas épargné la langue française. Contesté par certains comme un signe d'inféodation à l'Occident, rendu vulnérable par ceux-là mêmes qui devaient naturellement oeuvrer pour son maintien, nié parfois à l'aide de chiffres contestables, l'usage du français au Liban a subi des secousses qui l'auraient éradiqué dans tout autre pays. Pourtant, alors même que les plus pessimistes s'apprêtaient à l'enterrer, que d'autres ne voulaient voir en lui qu'une langue étrangère comme une autre qui céderait bientôt le pas à l'anglo-américain, que d'autres enfin le réduisaient à la trace résiduelle d'une classe sociale en voie de disparition, le français demeure la langue seconde au Liban. En effet, et aux côtés de l'arabe, langue officielle du pays et langue maternelle des Libanais dans sa forme dialectale, le français est vécu comme une langue de culture et une marque identitaire ; le "Colloque sur le français langue seconde" organisé à Beyrouth par la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l'Université Saint-Joseph les 20, 21 et 22 mai 1993 en a apporté la preuve éclatante, comme en ont témoigné la présence massive à ce colloque d'enseignants libanais de français, venus des quatre coins du pays, et la couverture médiatique qui l'a accompagné. Ce colloque, dont Une francophonie différentielle constitue les Actes, a donc revêtu une importance particulière aux yeux des Libanais : coupés du monde, et plus précisément du monde francophone, pendant près de 17 ans, ils se sont trouvés à l'écart des grands mouvements qui ont animé la francophonie, et en marge de leurs pairs dont les expériences peuvent éclairer la leur. Le colloque a donc donné lieu à un échange interfrancophone puisque des intervenants originaires ou spécialistes de pays aussi divers que le Cameroun, le Zaïre, la Roumanie, l'Egypte, le Québec, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Belgique, Madagascar et la France y ont exposé leur expérience, qu'il a permis d'entendre la voix d'écrivains francophones, ces "heureux élus de la différence", ainsi que les appelle l'un des intervenants, et de faire le point sur les concepts du français langue seconde et leurs implications méthodologiques.