Passée la nuit, le brouillard est resté, la vie chère, le drame colonial et la peur de l'atome barbouillaient encore les cours en gris. Cela s'appelait... > Lire la suite
Passée la nuit, le brouillard est resté, la vie chère, le drame colonial et la peur de l'atome barbouillaient encore les cours en gris. Cela s'appelait l'après-guerre. Ainsi à Laigre-sur-la-Couve, une sous-préfecture de fantaisie qu'on imagine restée un peu en marge des tumultes du siècle. L'arrivée d'une femme mystérieuse y jette le trouble. Elle est sans ressources, sans papiers, et protège sous une voilette démodée un visage qui a perdu son âge. Une adolescente l'accompagne, qu'elle dit être sa fille. Un car a déposé ces étrangères et leurs valises fatiguées, à Laigre-sur-la-Couve : - Alors que vous aviez une ligne de chemin de fer directe. - Je ne veux pas prendre le train. Elle dit avoir été déportée. A priori, elle a moins droit à la considération de ceux qui ne l'ont pas été ! Le commissaire a le respect des victimes. Il murmure : - Oui, bien sûr, les gares, les trains, ces convois. Il est troublé. Il ne sait plus très bien comment l'aborder. Mais il faut avancer : - Et vous affirmez vous nommer. - Elena Czernwoskaïa. Princesse Elena Czernwoskaïa. - Cela s'écrit comment ? - Comme cela se prononce. Le commissaire fait semblant de prendre des notes. Il est perplexe. Qui est cette femme ? Une survivante des camps nazis ? Une aventurière rusée ? Une mythomane peut-être. À la manière d'une comédie, « Un printemps incertain » rapproche des gens qui ne sont pas faits pour vivre ensemble. Le rêve, la vie dure, l'amour et le ridicule, font courir à chacun le risque de se retrouver, un jour ou l'autre, dans le rôle de l'exilé.