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Ma'i mau, maladie vraie ou maladie naturelle ; ma'i täpiri, maladie qui colle ou maladie surnaturelle ; telle serait selon beaucoup la conception polynésienne de la maladie. Or, les notions de « naturel » et de « surnaturel » sont occidentales. Il n'existe pas de mot polynésien pour les dire. À force d'interroger des tahu'a à Tahiti, des kahuna à Hawaii et des tohunga en Nouvelle-Zélande, à force de traquer des récits d'auteurs suffisamment humbles pour se contenter de décrire sans interpréter et encore moins juger, une réalité polynésienne autre apparaît. Émerge une théorie polynésienne de la maladie qui n'a rien à voir avec la vision réductrice proposée par ses habituels experts. Sous les strates de préjugés portant le sceau du tâtonnement des idées occidentales, palpite une pensée intelligente, étonnamment riche, qui explique la formidable vitalité qui a tant étonné les premiers navigateurs. Le comprendre permet, d'une part, de proposer un autre décodage des mots, des maux, des actes et des soignants et, d'autre part, d'identifier les actes relevant des périodes traumatiques de l'histoire océanienne et ceux relevant de sa propre culture qui, comme toutes les cultures, a pour but l'épanouissement des humains qui l'ont élaborée. Quant aux traumatismes, les plus durablement néfastes sont ceux qui furent niés voire camouflés en bienfaits. À partir de cette réalité singulière, peuvent s'ébaucher les prémices d'un dialogue entre médecine scientifique et soins traditionnels.
Simone Grand est d'origines polynésienne, amérindienne et européenne. Docteur en biologie, elle a ouvré dans les secteurs de la mer, l'environnement, l'agriculture, la politique, les sciences humaines, le social, l'ethnopsychiatrie... et a soutenu une thèse en anthropologie.