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Sur la lecture, de Marcel Proust, republié plus tard sous le titre de Journées de lecture, est à l'origine une préface destinée à introduire en France un essai de John Ruskin, Sésame et les lys, dont il assure la traduction. L'auteur de La Recherche du temps perdu se saisit de l'étude de Ruskin pour se remémorer ses journées d'enfance passées à lire, notamment Le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier, et exposer ses propres idées sur la lecture. "Il n'y a peut-être pas de jours de notre enfance que nous ayons si pleinement vécus que ceux que nous avons cru laisser sans les vivre, ceux que nous avons passés avec un livre préféré", affirme-t-il d'emblée avant de s'opposer sur un plan plus théorique au célèbre esthète anglais dont il conteste le rôle prépondérant de communication spirituelle qu'il confère à la lecture: "C'est donner un trop grand rôle à ce qui n'est qu'une initiation d'en faire une discipline. La lecture est au seuil de la vie spirituelle; elle peut nous y introduire: elle ne la constitue pas". Pour Marcel Proust, "Tant que la lecture est pour nous l'initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-même la porte des demeures où nous n'aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous éveiller à la vie personnelle de l'esprit, la lecture tend à se substituer à elle, quand la vérité ne nous apparaît plus comme un idéal que nous ne pouvons réaliser que par le progrès intime de notre pensée et par l'effort de notre coeur, mais comme une chose matérielle, déposée entre les feuillets des livres comme un miel tout préparé par les autres et que nous n'avons qu'à prendre la peine d'atteindre sur les rayons des bibliothèques et de déguster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d'esprit."