Même les meilleurs journaux n'en sont pas indemnes : on
prend une suite limitée de noms, dont tout le monde est censé
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Même les meilleurs journaux n'en sont pas indemnes : on
prend une suite limitée de noms, dont tout le monde est censé
savoir la face publique, et on fait tourner tout autour un discours
vide, mais qui fixe les valeurs symboliques d'un monde en
dérive.
Jérôme Mauche a toujours travaillé l'écriture en prenant sa
matière dans l'objet même qu'il travaille. C'était déjà cette
technique de convocation et renversement dans Électuaire du
Discount, mise à plat des techniques de vente et d'exploitation
des grandes surfaces, c'était aussi le cas dans le livre que
j'avais publié au Seuil/Déplacements, La loi des rendements décroissants (Lien -> http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1004), à
partir des formules économiques, contournements, élisions deL'Usine nouvelle, Challenges et autres magazines du
libéralisme triomphant.
Je souhaitais depuis longtemps, à titre symbolique aussi, la
présence de Jérôme Mauche dans publie.net, sachant que sa
proposition serait forcément un écart : il nous arrive avec un
texte dont le titre de travail était Synonymie ambiante, ce
qui veut dire que les noms propres, qui ici trouent le texte, sont
interchangeables, commutables, qu'on peut les remplacer par leurs
sosies (ils en ont tous, et répertoriés). Surtout, que la machine à
discours qui encombre la totalité papier de nos kiosques de presse- qui considère cela comme une évidence - fonctionnera de semaine
en semaine indépendamment des noms qu'elle cite, les ingurgite et
dégurgite pour ressasser ces mêmes symboles qui sont censés nous
représenter.
Si ce n'était que cela, il s'agirait d'un beau tour de
force, mais ça ne ferait pas de Jérôme Mauche un écrivain.
Adorno disait que « la force du montage, c'est de faire
exploser ses éléments eux-mêmes ». C'est la langue que Mauche
vient scruter, et pas les Johnny Depp, Alain Delon, Mick Jagger
valsant avec André Rieu et Antonioni tourne la suite d'Astérix, la
mode se mêlant à la chanson, les figures évanouies - Sheila et
Annie Cordy, venant percuter en bal étrange les fantômes
d'aujourd'hui.
Le ballet c'est celui des adjectifs : que fait-on de la
langue, dans ce ressassement où le cliché vient remplacer le réel,
puisqu'il n'est plus que surface ? Quelles sont les
géographies, que nous dit-on de la représentation elle-même ?
Que cherchons-nous à définir de nos propres peurs, à valider cette
machine vide qui remplit tout ?
Alors le texte de Mauche échappe à sa propre loi : leséléments reviennent, se percutent les uns les autres, constituent
une spirale qui se resserre. Les noms propres deviennent des
grimaces, des micro-récits s'élaborent pour qu'ils se rejoignent
les uns les autres, le monde entier se déforme et s'y reflète. La
machine à angoisse que devient le texte remplace progressivement la
machine àéviter l'angoisse des éléments qu'il convoque.
bio & biblio (Lien -> http://www.cipmarseille.com/auteur_fiche.php?id=1683) sur site CipM
Marseille.