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Alexis Leger/Saint-John Perse avait voulu couper l'herbe sous les pieds de ses futurs biographes en rédigeant lui-même, en 1972, dans le volume de la Pléiade, sa biographie sous la forme d'une chronologie détaillée. Et il la compléta d'une règle impérative : interdiction de relier Alexis Leger, le diplomate et Saint-John Perse, le poète. Ils étaient étrangers l'un à l'autre. De fait, après son retour de Chine, et malgré le succès international d'Anabase (1924), Alexis Leger semblait avoir renoncé à faire ouvre de poète et sacrifié son don indiscutable à l'ascension d'une carrière fulgurante. La composition des grandes ouvres, Exil, Vents et Amers n'aurait été alors que le fruit d'un accident malheureux, une carrière brutalement interrompue par son congédiement en 1940. De là à considérer les poèmes comme la compensation d'une frustration, et le Nobel comme une revanche laborieusement obtenue à force d'intrigues, il n'y eut qu'un pas, franchi par l'un de ses récents biographes. Si en quarante ans, la critique a évolué de la sidération des débuts au récent procès pour faux, dans cette biographie littéraire, Henriette Levillain nous donne les clés pour comprendre plutôt que de juger le mystère du prétendu cloisonnement entre deux noms, deux vies. Les témoignages inédits ou récemment édités, les archives ajoutés à une longue familiarité de l'ouvre poétique lui ont permis d'approcher les secrètes tensions de Saint-John Perse entre l'appétit de gloire et le besoin essentiel de solitude, entre l'attirance instinctive pour la vie partout où elle se révèle et une angoisse paralysante du vieillissement et de la mort.