Ronald

Ronald n'arrêtait pas de disserter sur le bien-fondé de ses jugements, de ses choix, de ses aspirations. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, cette absence chronique de certitude me rassurait. Avec Ronald, rien n'était définitif, rien n'était acquis, chaque moment de la journée offrait une forme imprévisible, déconcertante, le contraire de l'ennui. Mais, loin d'être survolté, comme certains esprits brouillons qui, telles des puces, sautent d'une idée à l'autre, lui s'y coulait avec une fluidité aquatique.
À l'égard des femmes, il procédait de même, voguant de l'une à l'autre, les quittant de la manière dont il les avait séduites, presque par inadvertance. Pour évoluer dans un milieu, où l'on peut perdre son temps en conjectures futiles, il se trouvait, sans le savoir, objet de pari : allait-on le séduire ? Et, surtout, le retiendrait-on ? On ne le retenait jamais. Ses passades amoureuses s'estompaient, avec l'indolence des volutes du tabac blond qu'il affectionnait.
Tel était Ronald. Je l'aimais depuis l'éternité.