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Toujours, dans toutes les sociétés humaines, à certaines périodes de leur existence, un temps arrive où la religion, d'abord toute-puissante, déclinant ensuite de plus en plus, perd sa signification principale et enfin prend une forme définitive où elle se fixe ; dès lors, son action sur la vie des hommes diminue progressivement.
À pareilles époques, la minorité instruite, ne croyant pas à la religion existante, feint seulement d'y croire, trouvant que c'est nécessaire pour retenir les masses populaires dans les formes établies de la vie, et ces mêmes masses populaires, bien qu'elles se tiennent par l'inertie des formes une fois établies de la religion, ne se guident déjà plus d'après les exigences de cette même religion, mais seulement d'après les coutumes populaires et les lois de l'État.
Il en fut souvent ainsi dans diverses sociétés humaines. Mais il n'y eut jamais rien de pareil à ce qui se passe maintenant dans notre société chrétienne : la minorité riche, dominante, plus instruite, possédant la plus grande influence sur les masses, non seulement ne croit pas à la religion existante, mais est convaincue que, dans notre temps, il n'est besoin d'aucune religion, et au lieu d'inspirer aux hommes qui doutent de la véracité de la religion professée, une doctrine quelconque plus raisonnable et plus claire que celle qui existe, elle leur inspire que la religion, en général, a vécu son temps, qu'elle est devenue aujourd'hui une institution non seulement inutile mais nuisible à l'existence des sociétés, de même que le cæcum dans l'organisme de l'homme. Ces hommes étudient la religion non comme une chose que nous connaissons par la réflexion intérieure, mais comme un évènement extérieur, comme une maladie dont certains hommes sont atteints et que nous ne pouvons étudier que par les symptômes extérieurs.
La religion, selon certains de ces hommes, provient de l'animation de tous les phénomènes de la nature (animisme) ; selon les autres, de la représentation de la possibilité des relations avec les ancêtres ; selon les troisièmes, de la peur devant les forces de la nature.