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C'est un caractère de l'invention, un caractère non pas absolument général, mais très fréquent, que d'être précédée, préparée et accompagnée par des phénomènes affectifs plus ou moins vifs et plus ou moins nets. Le sentiment est une des conditions ordinaires de l'idée créatrice, et les lois de la psychologie générale permettaient de le prévoir. D'une part les tendances intellectuelles, comme toutes les autres, font éprouver des joies, parfois très intenses, ou des souffrances réelles selon la façon dont elles sont satisfaites ou contrariées. Or les inventions procèdent de tendances intellectuelles, de désirs de l'esprit souvent très forts. De plus, par cela même que l'invention est un phénomène nouveau, encore inexpérimenté, encore mal associé avec tous les autres phénomènes de l'esprit, elle est particulièrement susceptible d'être précédée, accompagnée ou suivie par ce trouble, par ce désordre plus ou moins grave qui est la condition même du phénomène affectif, du fait émotionnel. En outre, les inventions se rattachent aussi, très souvent, à des tendances de la vie de relation, à des sentiments égoïstes ou altruistes, à des passions affectives. C'est souvent une peine morale, ou la joie d'un sentiment satisfait, qui mettent l'imagination en éveil et déterminent la création intellectuelle. Voilà donc bien des raisons pour que la création intellectuelle soit accompagnée de phénomènes qui ne peuvent pas être rattachés à l'intelligence seule, de faits affectifs et d'ordre émotionnel.
Autrefois les premiers êtres inventaient des sensations comme nous inventons des idées et même des nuances de sentiment. Il est bien vraisemblable en effet que les cinq sens que nous connaissons n'ont pas apparu simultanément et tout formés, et le travail qui a fait sortir du tact les différents sens spéciaux, et qui a donné à ceux-ci toute la gamme de leurs sensations, semble tout à fait analogue à celui de l'invention de nos idées et de nos croyances diverses. Comme d'ailleurs les perceptions probablement, mais surtout les images, les idées et les sentiments varient d'une manière assez notable d'un individu à l'autre, on peut dire qu'il n'y a rien en nous que nous n'ayons à quelque degré inventé...