L'occupation de Paris, entre 1940 et 1944, est sans précédent dans l'histoire de la ville, et sans équivalent dans le reste de l'Europe occupée. Au cours du conflit, l'armée allemande a conquis huit capitales étrangères ; aucune ne représentait une aussi vaste agglomération urbaine ; toutes, bien que vassalisées, étaient demeurées la capitale de la nation asservie. Mais, en France, la capitale provisoire, c'est Vichy.
Paris n'est plus qu'une énorme préfecture régionale. Comme l'occupant y a installé tous les services qui lui permettent de régenter, d'abord la moitié, puis la totalité du pays, Paris est devenu, en fait, la « capitale allemande de la France ». Sous ses formes diverses, l'administration allemande est omniprésente et omni-puissante. Rien ne peut être fait qu'elle n'ait décidé ou approuvé : salaires, prix et rationnement des denrées, livres de classe, rédaction des journaux, programmes de cinéma, mesures de voirie, etc.
Si Paris est demeurée une capitale, c'est celle des « collaborateurs » de l'occupant, qui y paradent et y tiennent leurs meetings. C'est aussi la capitale de la vie malsaine née de l'occupation, du marché noir, des profits résultant de la spoliation des juifs, de la vénalité. Les parisiens ne sont plus chez eux ; réduits à la portion congrue, leur préoccupation obsédante est de trouver le pain quotidien, de lutter contre le froid, de se vêtir décemment.
Si la « vie parisienne » qui continue, si le talent et le goût ont encore droit de cité, bien que l'occupant en soit le véritable profiteur, la volonté de survivre de Paris s'affirme dans la préservation de la santé des Parisiens et par la surprenante reprise de la natalité. Mais, surtout, en contrepoint de la vie officielle et de l'apparente léthargie de la ville, toute une pensée, puis une action, se sont développées dans l'ombre complice de la grande cité ; commencée par une fronde intellectuelle, développée par les sabotages et les attentats, la « résistance » aboutira à un soulèvement qui fera, à nouveau, de Paris libéré, la capitale de la France.
Mais cela, c'est le sujet du deuxième tome de cette étude.