Théophile Gautier fréquentait le salon littéraire de Mme Sabatier. Les habitués la surnommaient « la Présidente ». Il prit l'habitude d'adresser régulièrement des petits billets d'humeur, drôles et coquins, à cette jeune femme. Dans les Souvenirs intimes de Théophile Gautier, Ernest Feydeau parle du cercle de Mme Sabatier : « Madame Sabatier demeurait rue Frochot, ne recevait que des artistes, et, chaque dimanche, elle réunissait autour de sa table la plupart de mes amis.
Théophile Gautier, Flaubert, Bouilhet, Baudelaire, Rayer, le compositeur, Préault, le statuaire, Maxime Du Camp, Henri Monnier étaient ses hôtes habituels. Comme, selon le dire de Gautier, « elle se montrait supérieure aux autres femmes, d'abord en ce qu'elle était mieux faite, ensuite parce que, contrairement aux habitudes des personnes de son sexe, elle n'exigeait point qu'on lui fît la cour et permettait aux hommes de parler devant elle des choses les plus sérieuses et les plus abstraites », on l'avait surnommée la Présidente, et Mme Sabatier portait ce joli surnom avec tout l'esprit et toute la bonne grâce imaginables.
»
En 1850, Théophile Gautier adressa à la Présidente, de Rome, une longue lettre bouffonne et obscène commentant ce que son ami Cormenin et lui avaient appris en matière de sexualité au cours de leur voyage. Elle la communiqua aussitôt à son cercle, et la missive fit le tour de Paris. D'autres suivirent : cela devint un jeu. Presque tout ce courrier, y compris celui du voyage en Italie, fut publié clandestinement en 1890 pour la première fois.
La seconde édition, publiée au Musée secret du roi de Naples, est augmentée d'une note d'Émile Bergerat, gendre de Théophile Gautier, extraite de son livre Théophile Gautier, entretiens, souvenirs et correspondances : « Théophile Gautier a écrit deux ou trois lettres libres dans sa vie, plutôt pour exercer la verve rabelaisienne qui était en lui et s'amuser à l'emploi de mots tombés en désuétude, que pour les raisons que l'on supposerait.
L'une de ces lettres, dont je parle, le fait l'égal de Rabelais ; de ce morceau d'exécution, les artistes de notre métier qui le connaissent ne parlent qu'avec enthousiasme: c'est le récit d'un voyage en Italie; il comprend plus de vingt pages et formerait une plaquette. s'il était imprimable. Il ne l'est pas, malheureusement, car il démontrerait quel orfèvre des mots était Théophile Gautier, et quel conteur ! » Et l'éditeur d'ajouter : « Cette démonstration que M.
Bergerat ne jugeait possible, cette lettre, ce chef-d'ouvre de langue crasse et colorée qu'un excès de pudibonderie a tenu si longtemps sous le boisseau, nous le donnons, pour la première fois, pour l'esbattement des pantagruélistes et non aultres, comme dit maître François. »
Ainsi nous pouvons constater l'éclectisme de cet écrivain, précurseur et maître de la poésie parnassienne, salué par Baudelaire dans la préface des Fleurs du mal, qui n'hésitait pas à dire : « Tout ce qui est utile est laid.
»
Collection l'Enfer de la Bibliothèque nationale de France. (Enfer de la BNF, cote n° 824).
Roman illustré numérique, 45 pages, 3 illustrations anonymes, couverture en couleurs et en noir et blanc.