En décembre 2012, Marcello Vitali-Rosati débutait un jeu littéraire sur son site. Il en définissait les règles et le rythme, laissant présager une belle aventure qui s'avéra composer un texte d'une très grande unité. Il écrivait : "L'abondance des contenus nous fait souvent peur. Nous avons besoin d'une structure, d'un dispositif qui produise unité - sens. Les éléments éparpillés doivent trouver un tissu.
Il faut des règles, les règles du jeu. L'expérience d'écriture proposée ici s'impose un cadre. D'abord, une limite de temps : un texte par jour posté à 21h UTC pendant un an - du 12-12-12 au 13-12-13. Épuiser ce temps est la première tâche de cette écriture. Ensuite, des structures formelles : une longueur journalière du texte de 1000 caractères - dictée par le temps de lecture requis et par la possibilité de visualiser le texte dans un écran sans scroller.
Et encore, un lien fort entre les textes : un élément de continuité reliera l'écriture d'un jour avec celle du jour suivant. L'ordre sera donc chronologique. À l'intérieur de ce cadre, aucune contrainte de contenu. Le parcours qui se produira sera une navigation libre dans un périmètre défini."
Un parcours qui nous emmène sur les traces d'Eugen, lui-même tissant le fil de sa vie autour d'Anita, un amour de jeunesse qu'il veut rejoindre à Toronto, à qui il envoie des fleurs et qui ne lui répond plus...
Spectateurs d'une ligne de temps qui se déplie sous nos yeux, nous vibrons au rythme de thématiques universelles, musique, identité, numérique, amour, amitié, clandestinité, liberté, littérature, cinéma, mémoire. C'est en 2002 qu'Eugen eut l'idée de passer clandestinement la frontière et de venir en Italie. Il venait de Roumanie, à pied pour la plupart du trajet. Sa destination rêvée était le Canada.
Mais le temps passe, les bateaux partent et un homme reste toujours sur le quai... Alors Eugen, incohérent, héroïque et lâche en même temps, drôle et tragique, conservateur, réactionnaire et anarchiste, laisse éclater la plus belle des vérités, celle de son passage dans la vie des autres. Et son ami-colocataire-témoin en convoque le souvenir, par la voix d'un narrateur au pied résolument marin, entrainé dans ce tourbillon né du creuset des langues et des cultures, et qui prend la photographie d'instants charnières avec une rare honnêteté, à la recherche d'une vérité qui n'existe peut-être pas - l'histoire d'Eugen est-elle réelle ? Et qui est le véritable protagoniste de cette histoire, l'homme qui raconte, ou celui qui est raconté ?
Ainsi, l'on joue au jeu des poupées russes, chaque fragment étant par essence lié à celui qui le précède, bribes parfois alimentées par de profondes réflexions sur l'être humain, ce perpétuel rescapé d'une catastrophe répétée, beau et terrible à la fois.
Ce n'est pas seulement une expérimentation littéraire, c'est aussi une formidable mise en abîme, forgée dans la chaleur italienne et sous la neige montréalaise, une fenêtre ouverte sur le souvenir d'un étudiant en philosophie, né à Florence, amoureux de H., ami de Peppe le poète, qui traverse les frontières sans bataille, parti vivre à Pise, à Paris, à Montréal, et qui un jour rencontra Eugen, qui dissimula ses papiers dans une gare à Belgrade pour échapper à la police, perdit son identité mais pas la volonté farouche de parvenir à ses fins, Eugen qui était fou comme un personnage de Kusturica et qui compta jour après jour les kilomètres qui le séparaient de son rêve en buvant de la mauvaise bière volée chez Lidl.
Réussira-t-il ?
Soyez assuré en tout cas qu'après cette lecture, le temps acquiert une pâte plus consistante [...], il ne fond plus dans les mains comme les horloges de Dali, il tient debout tout seul, comme soutenu par un fil de fer.
Ce livre sera également disponible en version papier dans le courant de l'année 2014. À la fin de chaque ouvrage papier, un code de téléchargement vous permet d'avoir accès à la version numérique sans frais supplémentaires.