Petits-Maîtres, Muscadins, Inc'oyables et Me'veilleuses, Abracadabrants, Cocodès, Gommeux, Décadents, Apaches, Zoot-Suiters, Zazous, Existentialistes, Teddy Boys, Rockers, Punks, Rappers et Tagers : périodiquement surgissent dans les sociétés d'étranges mouvements baroques qui, déniant toute idée de contenu et d'utilité, s'expriment par la forme et font vou d'inconséquence. Face à ces papillons chamarrés, héros sans cause du Futile et autres annonciateurs d'apocalypses, la société se défend. Elle ravale ces mouvements au rang de modes - ce qu'ils ne sont aucunement. Car dans ces formes ténues, paradoxales, ironiques, c'est en effet bien autre chose que des conformismes qui s'expriment : des malaises, le désir d'une vie totale, à l'étroit dans la réalité, des mentalités inédites, des anticipations souvent renversantes. Une attitude enfin, un mode de vie, esthétique et éthique en même temps, une entière philosophie de la vie. Cela s'appelle le style. Quand les morales admises s'effritent, quand les idées piétinent, quand les sociétés oscillent au bord du gouffre de leur prétendue profondeur, tel est peut-être le programme des renouvellements, l'art de vivre toutes les fins-de-règnes et de siècles : il faut devenir son propre créateur.