Sa jeunesse en porte-à-faux vouait Norbert Cadot à un destin pour le moins aventureux. Sous Louis XVI, en effet, le simple fils de régisseur qu'il était ne pouvait devenir l'ami de cour de la fille de son seigneur sans que la jalousie hautaine de quelque gentilhomme le réduise à l'état de hors-la-loi, devant fuir le royaume. Mais, quand survient la Révolution, puis la prodigieuse épopée de l'Empire, au temps des généraux en chef de vingt-cinq ans, le réprouvé d'hier peut espérer prendre une éclatante revanche, rentrer en France et tout ambitionner.
Alors, il adviendra ceci que, parvenu en effet à la fortune et à la gloire, le général, puis maréchal Cadot verra les tribulations, pourtant romanesques, de son existence personnelle souvent dépassées en intensité dramatique par les grands événements de son époque. De sorte qu'à le suivre dans ses souvenirs, on prend part à sa difficile conquête d'un amour idéal mais surtout, on revit avec lui dans leur saisissante authenticité des moments d'histoire célèbres ou mal connus comme la fusillade de Jaffa, l'exécution du duc d'Enghien, la « boucherie » d'Eylau, le passage de la Bérézina et puis Austerlitz, Iéna, Wagram.
On revit ainsi la formidable aventure que fut l'Empire pour ces hommes comme Cadot que rien, ni la naissance, ni l'instruction, ne destinait à la gloire militaire et cela tout en côtoyant et en jugeant dans leurs grandeurs comme dans leurs faiblesses, Desaix, Kellermann, Joséphine, Poniatowski, Talleyrand, Berthier, Augereau, Masséna, Duroc, Junot, Davout. avec au-dessus d'eux, la figure sublime, mais non moins sujette aux imperfections humaines, de Napoléon.
C'est ainsi que Norbert Cadot vient s'ajoute avec éclat et vraisemblance à la galerie des maréchaux et ducs Premiers Empire : le maréchal Cadot, duc de Moravie, ne doit certes la vie qu'à la plume évocatrice de Michel Domage, mais il restera dans le souvenir du lecteur à l'égal de Masséna et autres Ney qui, eux, ont bien vécu dans l'histoire.