A cinquante ans, poussée par mon père qui avait fait de Proust son livre de chevet, je décidai de m'attaquer enfin aux trois mille pages d'"A la recherche... > Lire la suite
A cinquante ans, poussée par mon père qui avait fait de Proust son livre de chevet, je décidai de m'attaquer enfin aux trois mille pages d'"A la recherche du temps perdu". J'avais l'intention de picorer ici et là de belles phrases, réputées trop longues ; j'avais entendu dire -et je le croyais naïvement- qu'on pouvait prendre le texte au hasard, et en éprouver un grand plaisir. Le début me parut un peu ennuyeux. Mais quand j'arrivai à Combray, page 50, une poignée de tilleul plongée dans de l'eau chaude me saisit, me bouleversa. Je me retrouvai en larmes, un grand sanglot à la gorge remonté du tréfonds de moi-même. Je venais de contracter un mal délicieux dont je suis toujours porteuse quinze ans plus tard ; un mal qui, devenu chronique, n'en est pas moins resté aigu. Je ne le savais pas encore : Proust allait littéralement changer ma vie. Telle une convertie, j'ai eu envie de porter la bonne parole, c'est-à-dire de mettre tout en ouvre pour le faire lire au plus grand nombre. "Proust pour tous" est devenu ma devise, et le nom de ma mission. Laurence Grenier.
La collection Duetto invite écrivains et critiques à évoquer leur grande passion littéraire, à parler d'un auteur qu'ils admirent, qu'il s'agisse d'un aîné disparu depuis longtemps ou d'un contemporain qu'ils ont eu la chance de rencontrer.