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Dans la chambre sans fenêtres du Love Hotel, où plus rien ne parvient du dehors, un occidental venu à Kyoto pour écrire un roman, et Natsumi, une Japonaise dont le mari, à cette heure, doit considérer le ginkgo depuis la fenêtre de son bureau, font l'amour.
Entre leurs gestes, dans la pièce aveugle, s'engouffre la mémoire de contes du Japon : imaginaire marin, menace des dragons, et de toutes sortes d'esprits qui rôdent et dont on se sait pas très bien l'ampleur des maléfices.
Autour du décor farcesque du Love Hotel, s'étendent les berges de la rivière Kamogawa, encore suspendues dans cette fin d'hiver, le sentiment bizarre de deuil qu'on y éprouve, et pourtant aussi tout ce qui s'agite dans l'air de la promesse du printemps.
L'humour se mêle à cette mélancolie qui émane des paysages, à la terreur vague que laissent planer les contes, au sentiment tragique de la catastrophe. Car, on ne l'apprend qu'à la dernière phrase, le roman se passe l'après-midi du 11 mars 2011, jour du terrible séisme qui fut suivi d'une vague haute de 10 mètres qui a ravagé la région de Sendai, et dont le narrateur, quand son récit se termine, est sur le point de découvrir les images que nous connaissons tous. Tout le roman peut se relire alors comme l'histoire trouble d'un pressentiment.
Christine Montalbetti se trouvait au Japon, ce 11 mars 2011, dans la région de Kyoto. Love Hotel a été écrit dans la mémoire de ce bouleversement.
Elle interroge, à travers cette fiction érotique, le désarroi de la concomitance : qu'éprouve-t-on, quand quelque chose de terrible se passe quelque part au même instant, et qu'on ignore ? Comment vivre ensuite avec le sentiment de son aveuglement ? N'a-t-on pas été pourtant submergé par des pensées qui, après coup, paraissent en symbiose étrange avec cet événement ?