Au nord du département, la butte de Montpensier, bien qu'amputée de son château, reste le fidèle gardien de la porte de l'Auvergne. Son ascension procure toujours la même émotion, celle de découvrir à son sommet, un territoire unique et surprenant pour l'étranger qui croit arriver dans une Auvergne de pierres et de forêts. C'est une image qui ne correspond en rien aux clichés des dépliants touristiques vantant les sommets enneigés du Cantal, l'alignement de la chaîne des Puys ou les vallées torrentielles des Rhues ou des Couzes.
Ici, l'horizon est bas mais non sans relief, c'est la plaine des marais et des buttes qui s'étale à nos pieds, c'est la riche et fertile Limagne que chante déjà Sidoine Apollinaire en la comparant à une mer de moissons. C'est le pays moult riche et gras que les chroniqueurs de France décrivent pour situer en ces lieux la mort du roi Louis VIII, père de Saint-Louis. C'est ce grenier à blé qui fit la richesse des villes, bourgs et villages de cette opulente plaine qui se présente comme une extension du riche bassin parisien entré jusqu'au coeur de l'Auvergne montueuse.
Le panorama permet de prendre conscience de ce phénomène qui a fait d'une formation géologique particulière, la matrice d'une richesse naturelle et humaine hors du commun. C'est à l'Oligocène que le bassin d'effondrement donne peu à peu naissance à la plaine. Sous le poids des sédiments, celle-ci s'enfonce, attirant vers elle, les terres des plateaux qui la bordent. à la fin de ces gigantesques bouleversements, de vastes nappes de sable et de galets ont été déposées par l'ancêtre de l'Allier, formant les sols des Varennes et des forêts de Randan ou de Montpensier.
Du sommet de la butte, la vue porte loin. Délaissant les horizons sans fin qui filent vers le nord, le regard se porte naturellement vers le sud, démasquant les Bois Noirs et le Forez à l'est, les sentinelles alignées de la chaîne des Puys à l'ouest et, dans les brumes bleutées du sud, les confins de la Comté d'Auvergne et du val d'Allier. C'est dans ce périmètre, fort bien délimité par la nature, qu'une véritable civilisation Limagnaise voit le jour.
Les effets à la fois dévastateurs et constructeurs de la nature s'étant calmés, le climat s'étant adouci, les volcans éteints, le paysage devient accueillant pour les premiers hommes. Ceux-ci s'approprient cette terre, marais et prairies, terrains de chasse, de pâture et de culture, ces sources d'eau abondantes pour s'abreuver ou se guérir, ces coteaux abrités favorables aux premiers villages, du bois pour le feu, des silex pour l'outillage, des pierres pour les maisons, de l'argile pour les poteries.
La richesse et la diversité des sols associées à la bonté du climat permettent à l'homme de faire de cette région un véritable Eden où les céréales, les légumes, les fruits et la vigne poussent en abondance. Attachés à cette terre, les hommes construisent des villes et des villages, vêtus tantôt de blanc calcaire, de noire andésite, ou de pisé et de brique selon ce que contient le sol et aussi la bourse du constructeur.
Aujourd'hui, maisons, châteaux mais aussi pigeonniers, fontaines, fours à pain, lavoirs, croix de carrefour balisent encore ces vastes espaces toujours couverts de florissantes cultures mais aussi peuplés de lieux discrets et ô combien charmants, au détour d'une rue de village ou à la croisée de chemins, des lieux propices à l'inspiration d'une artiste de talent qui s'ingénie à nous les faire redécouvrir.
Olivier Paradis - historien