"C'est vers le bas du boulevard St Michel, écrit Jean-Paul Sartre dans l'un des reportages qu'il effectue pour Combat lors de la Libération de Paris,... > Lire la suite
"C'est vers le bas du boulevard St Michel, écrit Jean-Paul Sartre dans l'un des reportages qu'il effectue pour Combat lors de la Libération de Paris, que j'ai rencontré le triste cortège. La femme avait environ cinquante ans, on ne l'avait pas tout à fait tondue. Quelques mèches pendaient autour de son visage boursouflé ; elle était sans souliers, une jambe recouverte d'un bas, l'autre nue ; elle marchait lentement, elle secouait la tête de droite et de gauche, en répétant très bas : Non, non, non...". Ce témoignage oculaire, comme tant d'autres, est demeuré l'emblème de la part d'ombre de la Libération. Mais, au-delà de la forte répulsion que suscite le souvenir de l'épisode des tondues de l'été 1944, quelle sombre fête furent donc les tontes ? Pourquoi les tondues et les tondeurs ne parlent-ils pas, alors même que, dans la littérature, les souvenirs autobiographiques, le fait divers même, le fantôme de la tondue revient inlassablement ? Au fil de cette enquête, l'auteur parcourt les différents lieux et milieux, où se transmet la mémoire incommode des tontes et des tondues. Revenant aussi sur l'ampleur du phénomène, il l'analyse, non comme un dérapage ou une bavure, mais bien comme un rite, qui trouve sa place au centre du tableau des combats et des festivités.