Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jehan Rictus. Le "pauvre" de Jehan Rictus, trimardeur parisien, loqueteux bohème, gouailleur et poète,... > Lire la suite
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Jehan Rictus. Le "pauvre" de Jehan Rictus, trimardeur parisien, loqueteux bohème, gouailleur et poète, est plus proche du vagabond médiéval que du prolétaire contemporain. Mais, en pleine période symboliste et parnassienne, le public fut très sensible au réalisme cynique, aux malédictions désespérées et aux anathèmes anarchistes de ces "Soliloques du pauvre", qui contrastaient fort avec la décadence raffinée alors à la mode. Le héros de ces soliloques - poèmes-chansons monologues écrits dans l'argot populaire des faubourgs parisiens de la Belle époque et destinés à être récités sur scène - est un sans-logis contraint d'errer dans Paris, comme le fut un temps Jehan Rictus lui-même, un gueux, un sans-dents, un marginal de la révolution industrielle qui exprime avec gouaille sa féroce ironie critique mêlée à un profond désespoir. Sceptique sur les "immortels principes", méprisant les démagogues et la bourgeoisie bien vêtue et bien nourrie, il se défie tout autant des professionnels de la bienfaisance, des hypocrites qui battent "T'tambour su' les ventres creux" dont le métier, dit-il, est de "plaind' les Pauv's" en faisant la noce. Ardent anarchiste du début du XXe siècle, Jehan Rictus, que l'on compare souvent à Jean Richepin et à Aristide Bruant, n'est pourtant pas révolutionnaire: trop de fatalisme, trop de scepticisme et trop de dégoût l'en empêchent: "Gn'a rien à faire, gn'a qu'à pleurer". Le présent volume contient les sept grands textes de l'édition finale des "Soliloques du pauvre". "Le Cour populaire", qui fait parler prostituées, enfants battus, ouvriers, cambrioleurs, etc., contient pour sa part tous les poèmes de l'auteur n'appartenant pas aux "Soliloques": doléances, complaintes, ballades, récits, chants, etc., dont "La Jasante de la Vieille" ("Jasante" veut dire "Prière" en argot), qui reste peut-être son meilleur poème, inspiré par la vision qu'il a eue de la fosse des condamnés au cimetière d'Ivry.