« Les souvenirs sombres de 1940 ont été ensevelis dans les mémoires, pêle-mêle avec les jugements hâtifs, les erreurs, les légendes. Ils reviennent hanter les esprits, comme les fantômes inquiets de trépassés, inapaisés ». C'est une telle hantise, ainsi exprimée par un rescapé, qui obsédait l'auteur de ce livre. L'Histoire, on le sait, choisit ses morts, et elle n'a que l'embarras du choix. Mais ne méconnaît-elle pas, avec quelque injustice, les morts de 1940, et n'a-t-elle pas ignoré particulièrement les soldats qui sont tombés, aux premiers jours de juin, en défendant la Normandie ? Il y eut, certes, des défaillances et des abandons ; R.-G.
Nobécourt ne les ignore pas. Il se trouvait, cependant, encore beaucoup de combattants pour lesquels, dans la défaite même, « le champ d'honneur » demeurait une vérité contraignante. Chacun, marchant toujours dans sa nuit, vers quelque lumière, restait fidèle jusqu'au bout, non sans s'interroger parfois, à ce qu'il croyait être « le devoir ».
On a beaucoup écrit sur la bataille de Normandie de 1944.
Quel silence, semble-t-il, sur celle de 1940 ! Elle a fait deux milliers environ de victimes, qui n'étaient pas coupables de leur infortune ; chaque être subit les conséquences de l'Histoire, dont ils sont ensemble la matière première. L'intention initiale de l'auteur est de ranimer, en leur rendant hommage, tous ceux, quels que soient leurs grades et leurs armes, qui ont disputé à l'envahisseur le franchissement de la Bresle, telle agglomération du Pays de Caux, tel pont sur la Seine, tel chemin creux dans la forêt rouennaise, telle rivière de l'Eure, du Pays d'Ouche, et même encore tel carrefour du Cotentin : cavaliers des 2e, 3e et 5e divisions, Chasseurs alpins de la 40e, Montagnards de la 3e, Fantassins âgés du 31e régional.