Jacques Boulenger (1879-1944)
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Jacques Boulenger (1879-1944)
Comme de coutume, le jour de l'Ascension, le roi Artus tint sa cour à Camaaloth, la plus aventureuse de ses villes et l'une des plus agréables ; mais ce fut une cour triste et non pas merveilleuse comme celles de naguère. Certes, le temps était beau et partout verdoyaient les prés et les bois ; les oisillons menaient leur joie sous la ramée ; mais nulle pucelle ne songeait à cueillir les roses : Galehaut était mort, Lancelot parti depuis un an... Ah ! maintes larmes furent pleurées devant que cette cour se séparât.
Comme le roi sortait de la messe, Lionel au cour sans frein arriva. Vainement, durant un an et un jour, il avait parcouru tous les pays en quête de Lancelot : il n'en avait appris aucune nouvelle ; et la reine eut si grand deuil, en l'entendant, qu'elle put à peine le cacher.
Ce même jour, on apprit encore que la dame de Malehaut était morte d'amour pour Galehaut, sire des Îles lointaines. Et le roi dit que Lancelot devait être mort de deuil comme elle à cause de la perte qu'il avait faite de son ami.
- Certes, fit messire Gauvain, il eut raison, car avec Galehaut toute prud'homie et vaillance ont disparu du monde !
De ce mot, la reine fut très courroucée, car elle ne croyait pas que Lancelot fût mort : elle pensait qu'il était malade ou prisonnier ; son cour le lui disait bien.
- Comment, Gauvain, dit-elle, il ne reste sur terre nul homme qui vaille ? Il y a au moins le roi votre oncle !
Tout le monde se tut et le roi se mit à songer tristement. Comme il rêvait ainsi, entra un chevalier tout armé et ceint de son épée, mais sans heaume, grand et fort de ses membres, les jambes longues et droites, bien fourni des reins, les flancs étroits, la poitrine épaisse et haute, les bras gros et longs, les os durs, les poings carrés, les épaules larges, la tête grosse et le visage semé de taches de son."
Le médiéviste Jacques Boulenger a rédigé cette version des romans de la Table Ronde en se basant principalement sur "The vulgate version of arthurian romances" publiée par Oskar Sommer (1908) ; il n'a pas oublié de fouiner dans d'autres textes comme ceux de Chestien de Troye, Robert Boron et bien d'autres...
Tome II :
"Le chevalier à la charrette" - "Le château aventureux" - "La quête du Saint-Graal" - "La mort d'Artus"