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Les Lettres françaises, supprimées par le PCF en 1972 à cause du soutien qu'elles apportaient aux intellectuels persécutés à l'Est, sont revenues à l'actualité quand L'Humanité a fêté fin 2002 leur 600e anniversaire comme si de rien n'était. Au même moment, paraissait une biographie de Jacques Decour, leur fondateur fusillé par les nazis, pour laquelle Pierre Daix avait écrit une préface qui fut censurée par l'éditeur parce qu'elle aurait pu, selon lui, « faire accroire qu'Aragon avait été la cheville ouvrière », en juillet 41, de la constitution de la première équipe du journal. Textes à l'appui, Pierre Daix persiste et signe. En confrontant les archives, parfois tout juste publiées, aux témoignages y compris ceux des dissidents du PCF, il reconstitue l'étendue de la crise que traversèrent les intellectuels communistes après l'abandon de l'antifascisme suite au pacte germano-soviétique de 1939. Il montre leur déchirement de juin 40 quand le Komintern poussa à une reparution de L'Humanité sous contrôle nazi, contre quoi ils créèrent, pour exprimer leur résistance, L'Université libre et La Pensée libre. En contraste, il retrace l'itinéraire d'Aragon qui, sorti de l'enfer de Dunkerque, coupé en zone sud du PC, sut inventer une poésie nationale de contrebande que Jean Paulhan, le directeur de la NRF, lui permit de publier. Le dialogue qu'ils nouèrent rendit possible, à l'été 41, la coopération Decour-Paulhan dont sortirent Les Lettres françaises, illégales, conçues comme porte-parole de toute la résistance intellectuelle. Ce qu'elles furent jusqu'à la Libération. Pierre Daix - rédacteur en chef des Lettres françaises entre 1948 et 1972 --analyse en conclusion la crise que le journal connut pendant la guerre froide et ce qu'il appelle sa « renaissance morale » en 1962, qui entraîna dix ans plus tard sa disparition.
Germaniste, professeur à l'université, spécialiste de l'histoire des idées politiques en Allemagne, Gilbert Merlio est l'auteur des Résistances allemandes à Hitler (Tallandier, 2003).