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« Chez nous, dans cette France qui entre en Europe et se dirige vers le XXIe siècle, les angoisses et les solitudes sont parfois plus graves que les douleurs et les souffrances du Tiers Monde. Et, sans doute, plus vivement ressenties d'être mitoyennes des égoïsmes majoritaires. Là-bas, dans ces pays de malheur et de famines, s'il n'existe pas de protection sociale, les connivences claniques restent fortes, les solidarités familiales demeurent, les initiatives individuelles protègent les hommes. Ce sont ces armatures que les villes modernes ont fracassées. Chez nous, même si la protection sociale reste forte et efficace, on se méfie les uns des autres, la citoyenneté est en baisse, on ne se parle pas assez. Je connais des Français qui ne sortent plus le soir, et surtout dans certains quartiers. Ils ont peur des exclus, des immigrés, de leur ombre, de demain. Que vaut une protection sociale, si on hésite à intervenir devant une femme, ou un enfant battu en pleine rue, ou dans les couloirs du métro ? Attention au repli sur soi, qui fait la Une des hebdomadaires, autour des formules de l'égoïsme et de la modernité suprêmes : la génération cocon. Inventons pour nous, et pour le reste du monde, de nouvelles solidarités françaises, une voix de l'Europe. » Bernard Kouchner