Adossée à l'idée que l'Europe communautaire serait sortie en droite ligne des projets de la Résistance, l'historiographie clas-sique tend à passer sous silence tout ce que cette entreprise doit aux cercles intellectuels et politiques issus de la Révolution nationale. À ce titre, ce livre offre une perspective nouvelle sur la construction européenne. Il retrace de manière minutieuse l'influence de la troisième voie corporatiste et personnaliste sur la genèse des premières institutions européennes, du régime de Vichy à la Guerre froide.
Il montre en particulier ce que le projet d'une autorité supranationale chargée de gérer l'économie de marché sans contrôle parlementaire, proposé par Jean Monnet et Robert Schuman le 9 mai 1950, hérite des conceptions de l'économie et de la politique issues de la troisième voie : ni capitalisme, ni socialisme. L'acte fondateur de la construction européenne apparaît ainsi sous un jour nouveau, non pas tant comme une origine que comme une fin.
Ce livre est donc, aussi, une passionnante réflexion, en acte, sur la construction de l'histoire en train de se faire. Une généa-logie de la « communauté européenne ».
Philippe Riutort est professeur de sciences sociales en lettres supérieures au lycée Henri-IV. Chercheur au Groupe d'analyse politique (université Paris-X-Nanterre) et au laboratoire Communication et Politique (CNRS), il a codirigé Les Formes de l'activité politique (PUF, 2006), Nouveau manuel de science politique (avec A.
Cohen et B. Lacroix, La Découverte, "Grands Repères/manuels", 2009), et est l'auteur du Précis de sociologie (PUF, 2004).