PROLOGUE
Le théâtre représente un jardin orné de thermes et de plusieurs jets d'eau.
Une Naïade, sortant des eaux dans une coquille
Pour voir en ces beaux lieux le plus grand roi du monde,
Mortel, je viens à vous de ma grotte profonde.
Faut-il, en sa faveur, que la terre ou que l'eau
Produisent à vos yeux un spectacle nouveau?
Qu'il parle, ou qu'il souhaite, il n'est rien d'impossible
Lui-même n'est-il pas un miracle visible?
Son règne, si fertile en miracles divers,
N'en demande-t-il pas à tout cet univers?
Jeune, victorieux, sage, vaillant, auguste,
Aussi doux que sévère, aussi puissant que juste;
Régler et ses états et ses propres désirs;
Joindre aux nobles travaux les plus nobles plaisirs;
En ces justes projets jamais ne se méprendre;
Agir incessamment, tout voir et tout entendre;
Qui peut cela peut tout: il n'a qu'à tout oser,
Et le ciel à ses voux ne peut rien refuser.
Ces thermes marcheront, et, si Louis l'ordonne,
Ces arbres parleront mieux que ceux de Dodone.
Hôtesses de leurs troncs, moindres divinités,
C'est Louis qui le veut, sortez, nymphes, sortez;
Je vous montre l'exemple: il s'agit de lui plaire.
Quittez pour quelque temps votre forme ordinaire,
Et paraissons ensemble aux yeux des spectateurs
Pour ce nouveau théâtre autant de vrais acteurs.
Plusieurs dryades, accompagnées de faunes et de satyres sortent des arbres et des thermes.
Vous, soin de ses sujets, sa plus charmante étude,
Héroïque souci, royale inquiétude,
Laissez-le respirer, et souffrez qu'un moment
Son grand cour s'abandonne au divertissement:
Vous le verrez demain, d'une force nouvelle;
Sous le fardeau pénible où votre voix l'appelle,
Faire obéir les lois, partager les bienfaits,
Par ses propres conseils prévenir nos souhaits,
Maintenir l'univers dans une paix profonde,
Et s'ôter le repos pour le donner au monde.
Qu'aujourd'hui tout lui plaise, et semble consentir
À l'unique dessein de le bien divertir.
Fâcheux, retirez-vous; ou s'il faut qu'on vous voie,
Que ce soit seulement pour exciter sa joie.
La naïade emmène avec elle, pour la comédie, une partie des gens qu'elle a fait paraître, pendant que le reste se met à danser au son des hautbois qui se joignent aux violons.