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Les trente dernières années du XXe siècle ont connu un phénomène de diffusion et de dispersion du mot « archives », traditionnellement au pluriel ou néologiquement au singulier, qui aboutit à un paradoxe : la présence terminologique des archives dans la société contemporaine est devenue nettement plus forte que celle de l'administration des archives elle-même. Ce décalage amène à formuler l'hypothèse d'une diversification des usages et d'une reconfiguration des demandes d'archives, dans ou en dehors de l'institution archivistique. L'enquête, volontairement affranchie des frontières nationales, des périmètres professionnels et des limites disciplinaires, finit par assigner une place inédite pour les archives dans la culture contemporaine. Nouvelle histoire locale, généalogie, psychogénéalogie, psychohistoire, archivages autobiographiques, accès aux documents administratifs, consultations des dossiers médicaux, accès aux origines personnelles, ouverture des données publiques, partage des images d'archives, archivages militants ou communautaires, engouement des artistes contemporains, affirmation des archives des droits de l'homme, sollicitation des archives de police dans les processus de transitions démocratiques : tous ces usages, toutes ces demandes d'archives ont en commun une orientation individuelle et la recherche de soi. Le concept d'ego-archives désigne autant les documents que les logiques d'usage qui permettent aux individus d'asseoir les stratégies de formation de leur individualité. Les archives y sont érigées en espace intermédiaire entre l'individu et la société. La question n'est plus celle de la place des archives dans la société de l'information mais dans celle de l'individu. Un nouveau droit est en gestation : celui de découvrir et de lire ses traces archivistiques personnelles, ses ego-archives, où qu'elles se trouvent.