Joël Taravo n'est pas un écrivain. Il n'écrit pas « pour écrire ». Mais parce que le goût amer d'un certain passé, tout récent, lui est resté... > Lire la suite
Joël Taravo n'est pas un écrivain. Il n'écrit pas « pour écrire ». Mais parce que le goût amer d'un certain passé, tout récent, lui est resté entre les dents, et qu'il fallait qu'il le crache pour pouvoir vivre. Il écrit donc comme il parle, comme il aimerait parler, crier, avec rage, sans précaution et sans détour. Il n'avait pas vingt ans lorsqu'il fut arrêté pour proxénétisme, condamné, emprisonné. Sa peine terminée, et parce qu'il suffisait d'avoir fait quelques mois de prison pour être incorporé au « bat d'Af », il devient - pour vingt-huit mois - un numéro matricule dans l'univers torride du B. I. L. A., en 1960. Quelques années plus tard, les derniers « joyeux » retrouveront la vie civile, le « Bat d'Af » sera dissout. Parce qu'on a enfin découvert que les brimades, la promiscuité, la « tôle », la « pelote », le « tombeau », sont une école permanente de haine, de révolte ou de lâcheté pire ? Non ; parce qu'il n'y a plus de colonie pour les abriter à l'aise. La prudence veut qu'on se taise, qu'on oublie tout ce qu'on brûlait de hurler, qu'on rentre dans le rang, que ce soit dans la loi ou hors la loi, mais en silence. Joël Taravo n'a pu accepter. Pour lui, pour ses compagnons, il raconte, il témoigne. Il dénonce. Avec tant d'âpreté, qu'on ne peut s'arracher à cet hallucinant récit.