Cet ouvrage a reçu le prix spécial du jury de l'ouvre d'Orient en 2013.
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Cet ouvrage a reçu le prix spécial du jury de l'ouvre d'Orient en 2013.
Au mois de février 2005, la décision du président Hosni Moubarak d'amender la Constitution égyptienne afin de permettre l'organisation d'élections présidentielles à plusieurs candidats suscita un bref moment d'enthousiasme. En encourageant la formulation publique des doléances, elle contribua au regain du militantisme dans plusieurs secteurs de la société. Les Égyptiens mirent en avant l'exigence d'instauration de la citoyenneté, avec ce que cela implique en termes de droits politiques et religieux. À la faveur de ces changements, le tabou qui pesait sur la « question copte » fut brisé. Ouvert à nouveau, le dossier des discriminations envers les chrétiens se trouva situé de manière emblématique au coeur des revendications de réforme politique soulevées par les courants sécularistes, allant des marxistes aux libéraux.
Dès l'automne 2005, Samer Soliman et Alain Roussillon, fins observateurs de la scène politique égyptienne, s'interrogeaient : l'activisme copte peut-il constituer le fer de lance du combat pour la « nécessaire sécularité des institutions et de la société » ? Ou bien va-t-il renforcer la confessionnalisation de la vie politique ? La révolution de février-mars 2011, qui mit fin au pouvoir de Hosni Moubarak, s'accompagna d'attaques d'églises puis d'échauffourées entre coptes, salafistes et militaires, qui réactivèrent en particulier la communautarisation de la société et de la vie politique égyptiennes.
Peut-on aujourd'hui abolir ou du moins modifier la tendance structurelle à la communautarisation ? Une telle interrogation confronte le militant et l'analyste au problème de l'articulation entre pluralité, liberté et formation de l'autorité politique. Elle implique l'examen des modalités et de l'efficacité des actions contestataires visant à mettre un terme à la violence. Or la violence communautaire s'exerce au travers d'une multiplicité de pratiques institutionnelles, sociales et symboliques dotées de temporalités et de règles spécifiques. Dans une Égypte en proie à des mutations politiques accélérées, la levée des discriminations exercées à l'encontre des chrétiens reste suspendue à l'accomplissement de plusieurs processus politiques, en particulier aux transformations au sein des islams égyptiens et à la reconstruction de l'appareil d'État.
Laure Guirguis nous propose ici une lecture en quatre temps, portant respectivement sur les chrétiens du Moyen-Orient, le contexte spécifique de l'Égypte, notamment au tournant des années 2010, l'évolution de la communauté copte durant cette décennie, et enfin le devenir de l'islam en tant que religion dominante et hégémonique dans le monde arabe. Ces niveaux de lecture ne sont nullement séparés, chacun d'entre eux étant travaillé par des processus, des dynamiques et des tensions aussi contradictoires qu'inséparables.