Cadomette, une petite ville que l'on pourrait situer quelque part en Normandie, connut, en un certain temps, la réalité de l'implantation martienne.... > Lire la suite
Cadomette, une petite ville que l'on pourrait situer quelque part en Normandie, connut, en un certain temps, la réalité de l'implantation martienne. Ainsi les imaginations cadométiennes n'eurent-elles pas l'occasion et le temps de se dévergonder, d'enfanter des images chimériques et apocalyptiques à leur sujet. Les Martiens n'avaient pas de pattes de poules, ni la cervelle ensachée dans un globe métalliforme brillant. Bons buveurs, ils fréquentèrent, entre autres, les bistrots de la banlieue Sud de Cadomette (le quartier le plus ouvrier de la ville), se saoulèrent au cognac, essayèrent d'attirer Jojo sur leurs genoux, lui apprirent à compter en martien, devinrent monnaie courante. Seuls leurs officiers portaient au-dessus de la visière bleue de leur casquette l'insigne agaçant de la petite soucoupe rose. Le siège libérateur de Cadomette dura un bon mois. Ces événements allaient avoir le privilège d'être découverts à travers la lentille un peu grossière, légèrement alcoolisée, une miette obscène, des personnages d'un petit bistrot de la banlieue Sud, de connaître surtout l'heureuse déformation apportée par Jojo (10 ans) dont le regard allie la fraîcheur à la douleur, la cocasserie à la cruauté, qui raconte le siège de Cadomette à sa manière, apprivoise la guerre, essaie de transformer l'avion et l'obus, la peur et la mort en « blasons », petite mythologie naïve et portative, où se mêlent le mouvement vagabond du rêve et le récit minutieusement réaliste de l'enfance blessée « aux yeux terriblement ouverts ».