Biographie d'Ahmadou Bamba
Né vers 1853-1855 à Mbacké contemporaine, il fut initié à la voie soufie qadirite par son père qui dirigeait la confrérie dans leur pays. Grand savant et poète, c'est lui aussi qui lui enseigna l'art d'écrire en vers. Il le surnomma Bamba en mémoire d'un de ses maîtres spirituels qui provenait d'une localité appelée justement Bamba.
Grand juriste, il maîtrisa très jeune les fondements de la Loi musulmane.
Il étudia aussi les autres sciences religieuses : commentaires et modes de récitations coraniques, science du hadîth, lexicographie, mais aussi grammaire et linguistique.
Sa famille était protégée par les princes du pays et le farouche opposant à la colonisation Lat-Dior mais il s'éloigna des cercles du pouvoir pour des raisons religieuses ; il rejettera de même les expéditions guerrières suicidaires à l'encontre du colonisateur.
Figure majeure du soufisme sénégalais, il se rattachera aux confréries shadilites et tijanites.
Il avait vingt-huit ans à la mort de son père. Suite à une vision spirituelle, il devint un « serviteur du Prophète » ; c'est suite à une autre vision qu'il entreprit de bâtir la cité de ses rêves, Touba, qui attirera de nombreux visiteurs. Une affluence telle qu'elle lui vaudra la méfiance de l'administration française qui le calomniera, le présentant comme un danger pour l'ordre public ; c'est dans cette période qu'il achèvera son ouvrage, Les Chemins du Paradis.
Tout en restant méfiant, il acceptera de recevoir Lat-Dior et, après la mort de ce dernier, le prince du Djolof se rattachera au soufisme.
Les autorités craindront alors un complot et un soulèvement ; l'arrestation du shaykh est ordonnée mais il refuse de prendre les armes pour autant. En 1895, il sera exilé près de huit ans dans l'hostile forêt vierge du Gabon, où il vécut toutes sortes d'épreuve, dont plusieurs tentatives d'assassinat ; jamais il ne cessera d'écrire, en même temps qu'il y vécut en ermite, coupé de tout. Même revenu au Sénégal fin 1902, il vivra en captivité.
Il sera en effet à nouveau déporté, cette fois en Mauritanie, jusqu'en 1907. Quand il finit par revenir, l'accès à Touba, le centre spirituel muride auquel il avait donné le jour, lui sera interdit, toujours par crainte d'un soulèvement.
Son action sociale fut importante. Il sera responsable d'un certain nombre de mesures qui entraîneront un véritable redressement économique du pays et de son miracle agricole (un djihad vert qui se poursuit encore aujourd'hui) ; la France finit même par ne plus voir en lui un ennemi et lui remit la légion d'honneur en dépit du fait qu'il ait toujours traité les multiples tentatives de manipulation des forces coloniales avec un souverain mépris.
« Je vous fais savoir, écrira-t-il à l'autorité locale, que je suis le captif de Dieu, et ne reconnais pas d'autre autorité que Lui. » Il refusa d'ailleurs de porter la légion d'honneur.
Il mourut en juillet 1927 et fut enterré dans la Grande Mosquée de Touba où sa tombe est devenue un important lieu de pèlerinage ;
Il refusa toujours d'écrire dans une autre langue que l'arabe, langue du Prophète, et qu'il maîtrisait parfaitement, comme en témoignent ses oeuvres, toujours composées dans un style très pur, dépourvu de tout élément superflu.
En plus de ses innombrables poèmes et prières à la louange du Prince de la création, il écrivit des ouvrages didactiques, dont le poème Les Chemins du Paradis est sans doute le plus célèbre exemple.
Son enseignement repose sur trois axes : l'instruction (ta'alim), l'éducation (tarbiyya) et la tarqiyya. Le premier recoupe l'enseignement religieux et traditionnel des écoles coraniques. Le second est plus proprement soufi et concerne la soumission volontaire du mouride à un maître.
Toute son oeuvre et son enseignement privilégient la voie active ; il était pour faire effectuer des basses tâches aux nobles et aux riches afin de leur apprendre l'humilité. La tarqiyya, concerne ceux qui ont atteint la fin de son enseignement et porte sur la façon dont le disciple doit s'employer à aider les autres et contribuer au tissu social.
Soufi rattaché au courant spirituel d'Ibn Arabi, théologien acharite, juriste chafiite, exégète du Coran, savant du hadith, mais aussi poète, grammairien, Sharani bénéficia des enseignements de grands maîtres, comme Jalal al-Din al-Suyuti (1445-1505) et Zakariyya al-Ansari (1420-1520), mais aussi 'Ali al-Khawwas (m.
1532), un saint illettré, lui-même cité par le pape François dans son encyclique « Laudato Si ».
L'oeuvre de Sharani compte plus de trois cents ouvrages couvrant toutes les sciences sacrées de l'islam, métaphysique, théologie, droit, soufisme, etc. Malgré leur importance, on trouve très peu de traductions de ses écrits en langues occidentales.
Autorité religieuse, acteur de la vie intellectuelle de son temps, éveilleur des consciences auprès des puissants comme des plus humbles, Sharani s'investissait également beaucoup, en tant que maître d'un ordre contemplatif de la voie Shadhiliyya, dans l'enseignement et dans l'accompagnement de ses disciples ainsi que dans la direction du centre spirituel et religieux dont il avait la charge.
Sharani ve cut soixante-quatorze ans. Son oeuvre, son héritage intellectuel et spirituel, sa vie tout entière traduisent une inspiration divine et une fidélité exceptionnelle au modèle de perfection incarné par le Prophète Muhammad, signes distinctifs de la sainteté en islam. Le jour où il rendit l'âme, un corte ge immense accompagna sa dépouille jusqu'a la grande mosque e d'al-Azhar, ou plus de cinquante mille personnes firent la prie re funéraire et lui rendirent hommage.