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Dans Les testaments trahis, Milan Kundera appelle de ses voux le troisième temps de l'histoire du roman, qui doit advenir en faisant ressusciter l'expérience oubliée du roman prébalzacien. Dans cette perspective, il confronte les problématiques romanesques du XVIIIe et du XXe siècles, pour définir l'identité du roman européen et remettre en jeu, fût-ce de façon oblique, les données essentielles de l'art du récit. Les questions d'esthétique narrative, que se posent les deux siècles, ne sont-elles pas le signe d'une certaine communauté de pensée ? Si tel était le cas, le ciment qui les unit pourrait être la réflexion sur la possibilité ou l'impossibilité d'établir une vérité à l'intérieur du récit et, donc, sur la dimension épistémologique et herméneutique du roman. En somme, la question qui, selon Kundera, est au cour du renouvellement des formes narratives proposé par Diderot serait la suivante : le récit fictionnel, investi notamment par une parole proliférante, peut-il accoucher d'une vérité sur le monde ? Kundera est donc amené à revisiter Diderot et les problèmes esthétiques, philosophiques et poétiques que pose Jacques le fataliste, à partir de sa propre vision de l'histoire du roman. Il injecte dans les questionnements et remises en cause voulus par Diderot deux siècles auparavant, ses propres interrogations, nourries de réflexions contemporaines sur le genre narratif. Cet ouvrage propose de rendre compte de ce regard original, en analysant au plus près Risibles amours, l'un des premiers récits de Kundera, parallèlement à Jacques le fataliste. Cette confrontation s'inscrit dans un double projet : examiner précisément les points de rencontre réels des deux auteurs, leurs parentés esthétiques ou idéologiques, et comprendre ce que Kundera déplace, réinterprète, réinvente. Il s'agit donc ici de reconstituer, à partir de traits poétiques repérés çà et là dans Risibles amours une certaine lecture, à la fois traduction et trahison, éclairages et zones d'ombre, du chef-d'ouvre de Diderot.