Chacun sait ce qu'il advint du Hollandais, ou croit le savoir. La chronique rapporte le fait et rapporte son contraire, comme si la chronique était double... > Lire la suite
Chacun sait ce qu'il advint du Hollandais, ou croit le savoir. La chronique rapporte le fait et rapporte son contraire, comme si la chronique était double commère. La légende raconte l'histoire, et raconte une autre Histoire, comme s'il y avait deux conteuses, qui ne se sont point concertées ni même ne se connaissent, appelées toutes les deux légende, couchées telle la magicienne orientale sur deux lits du vaste occident. Chacun veut entendre le récit que son propre cour a déjà préparé à son usage, et désire le réentendre. Si l'amour et la mort de Senta ont précipité le Hollandais dans sa bienheureuse mort ; si la tempête a englouti Senta au bord et le Hollandais au large, dans son ravage aveugle, sans qu'ils l'eussent su l'un et l'autre ; si Senta s'est noyée toute seule dans l'inopérance tragique de l'amour, tandis que le Hollandais ignorant poursuivait son errance invincible et la poursuit encore, effrayant les honnêtes gens de mer, nul au juste ne le sait ; et chacun croit comme il le demande. Mais ces pages monstrueuses, extraites du livre de bord du capitaine comte von Falkenberg, ou présumé tel, ont de quoi instruire l'honorable public, respectueux des commandements de Notre-Seigneur bien-aimé. Elles montrent que le sacrilège, et l'endurcissement dans le sacrilège, conduisent à la déraison ; que la haute grâce de l'amour temporel reconduit à la raison ; mais que la raison recouvrée ramène au langage connu, où nous ne trouvons plus rien des étrangetés humaines qui nous font aujourd'hui les publier.