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L'époque n'est certes pas facile : les dirigeants sont corrompus sinon incompétents. Une classe nouvelle de spéculateurs enrichis par la mondialisation force à l'exclusion des démunis, sans-emploi et sans abri. Les prisons sont pleines et l'on réclame des mesures plus sévères. Les outils de savoir n'ont plus prise sur les découvertes et les nouveaux moyens de communication. La pensée magique fleurit en même temps que des forces religieuses tentent de remettre un ordre strict et dogmatique dans une réalité qui sent le soufre. C'est bien sûr le début du xvie siècle que Nicole Morgan décrit dans cet ouvrage. Elle situe ainsi les humanistes qui, sans espace social, doivent gagner leur vie en s'inventant un rôle auprès des pouvoirs, rêvent de se retirer à la campagne, mais ne peuvent s'empêcher de ressasser la question : « que faire ? » Le génie de Thomas More, explique-t-elle, est d'avoir proposé une réponse simple : « la cause du mal est économique ». La suite, on la connaît puisqu'elle fonda notre pari contemporain. Mais on connaît mal le petit texte de l'Utopie qui redéfinit un à un, avec une logique rigoureuse, les concepts nécessaires à soutenir l'hypothèse. L'Utopie nous force en ce sens à faire face à nos croyances les plus profondes et à nous poser la question de leurs fondements. Question angoissante s'il en est car l'Utopie était peut-être une farce. Mais peut-être ne l'était-elle pas. Toujours est-il que nous vivons encore sur ce sixième continent.